«Le mouvement est le principe de toute vie.» Leonard de Vinci
Le mouvement façonne la matière. Vivante ou non, cette matière contient la trace du mouvement qui l’a mue. On peut le voir parfois, dans les sédimentations d’une roche, les stries d’une écorce d’arbre, les ondes d’un cours d’eau, les rides de notre peau, ou encore les os de notre corps.
Je cherche à comprendre les mouvements de la formation et du laisser-aller des choses, sans microscope. En façonnant la terre je cherche à retracer de tels mouvements, à pénétrer les processus dont la nature use pour se sculpter.
C’est pour trouver ma place en ces choses et comprendre comment moi, être vivant touchant le non-vivant, j’en fais partie.
Tourner un pot, cela revient à tourner une peau, une limite entre l’intérieur et l’extérieur. Déformer cette peau revient à lui faire vivre son inertie inhérente : elle s’amollit, craquèle, se déchire. Ce qui reste est un vestige, une mue.
Certaines peaux le montrent, elles sont faites de stries, de sillons.
Marques de naissance et marques de dégénérescence s’entremêlent dans l’histoire figée de ces mues de pots, de serpents, de poissons, d’arbres.
Façonnage
Je travaille les pièces entièrement à cru. L’argile est fraiche et malléable ; je la fais tourner et elle grandit. Une fois la « peau » créée, je lui fais subir des mouvements de l’intérieur et de l’extérieur avec mes mains pour voir en dehors de quoi elle est faite, comment elle réagit.
Une fois suffisamment raffermie, j’y applique de l’émail ou de l’engobe. À nouveau je lui fais subir des distorsions, cette fois pour révéler les limites de la matière en surface, dont les sillons de la « naissance » participent à l’effondrement de l’architecture de l’épiderme.
On ne voit pas jusque dans les cellules des os, mais des signes de leurs mouvements de croissance restent visibles : fusions, torsions, étirements… Un os ne contient-il pas l’histoire, en partie visible à l’œil, de ses mouvements de genèse ?
À partir d’un bloc de pâte de porcelaine, sorte d’ivoire malléable, un geste de pression en amène un autre, puis un autre. La matière se meut, la forme se complexifie. Ostéogenèse ! Une somme de gestes fossilisés. Prendre ces fossiles dans ses mains nous fait retrouver ces gestes.
Dans la mystique juive, le Golem est un être primitif, fait d’argile, dépourvu de parole et de libre-arbitre. C’est à l’homme-terre que je m’intéresse. Ces mouvements de vie dans une substance inerte sont peut-être une preuve de l’existence de ce rapport.
Façonnage
Je prends un bloc de porcelaine. Je démarre un geste. Je l’amplifie, le répète. Petit à petit une forme se dégage et à partir de celle-ci un autre geste fait appel. Je prends appui sur les formes d’os qui me sont connues pour les retrouver.
Je ne cherche pas à recréer une formule, une série de gestes précis pour arriver à une forme d’os réel (combien et quels gestes faut-il pour créer, à partir d’un bloc, un fémur, une vertèbre, ou un crâne ?)
Je cherche plutôt les instances de mouvement, façonnés pourrait-on croire, des os que l’on retrouve dans certaines de leurs surfaces.
Un problème récurrent a été le séchage des pièces qui provoque invariablement des fissures.
Il reste que ces fissures manifestent pleinement la tension et la vie inhérente au matériau, qui expriment bien un résultat des mouvements subis.
Mouvement
La terre est un matériau nouveau pour moi. En voulant la connaître de façon intime, je me suis intéressé de près à ses textures.
J’ai cherché à reconnaître ses réactions lorsque j’interragis avec elle. C’est donc le mouvement qui a fondé mon rapport avec la matière.
À travers ce rapport j’ai reconnu qu’il y a une vie dans le matériau que j’ai cherché à exprimer, notamment grâce à la technique du tournage : un processus concentré de mouvement continuel.
Le son de la céramique
La cloche est née avec la céramique, depuis que les hommes ont appris à rendre solide la terre par le feu.
On a ainsi trouvé un nouveau moyen d’écouter la matière, après la pierre et avant le métal.
En découvrant mon rapport avec le matériau, en le mettant en mouvement puis en le cuisant, j’ai aussi pu trouver un rapport sensible entre la forme prise par la terre et les ondes sonores qui peuvent s’y propager.