« Heimat » - ou comment trouver sa place
En guise d’introduction, cet extrait de l’analyse du mot « Heimat » par Waltraut Legros dans l’émission «Karambolage» sur la chaîne ARTE : « Un des mots allemands qu’il est difficile de traduire en français est le mot «Heimat». « Heimat » peut représenter le lieu de notre enfance en renvoyant tout aussi bien au pays, au village ou à la maison où l’on a grandi. De façon plus globale, « Heimat » réfère au lieu où l’on se sent « chez soi » (« daheim » en allemand). Et lorsque l’on est amené à vivre au loin, on peut alors souffrir de ce que l’on nomme le « mal du pays », qui correspond à «Heimweh» en allemand. [...] »
Le mot « Heimat » est donc de l’ordre du sentiment, il est souvent lié à des souvenirs d’enfance, à un horizon familier ou une atmosphère bien précise. Ce qui n’exclut pas que l’on puisse se sentir « chez soi » ou du moins « comme chez soi » ailleurs dans le monde.
C’est bien ce que voulaient dire les Romains avec la maxime « ubi bene, ibi patria » : « là où on est bien, on est chez soi ».
A contrario, la « Patrie » comme son équivalent allemand « Vaterland » sont devenus des concepts politiques. Une « patrie » a des frontières [...] une patrie a un drapeau, elle a une capitale et un gouvernement [...]
La « Heimat » elle n’a ni uniforme ni drapeaux. C’est « le pays » que chacun porte à l’intérieur de soi.
Les représentations ont une part d’abstraction qui ouvre sur de multiples possibilités d’interprétation.
Ce qui me permet de mettre les silhouettes en scène dans différentes situations qui racontent toutes une histoire de « Heimat », un « chez soi ».
Voici donc les six saynètes qui m’ont été inspirées par la notion de « Heimat ».
J’ai quitté relativement tôt le « nid » et mes études, puis mon métier, m’ont amenée à déménager de nombreuses fois.
Mais ce n’est qu’en 2005 lorsque je me suis installée en France avec une connaissance très scolaire de la langue que j’ai redécouvert cette thématique de la « Heimat » (du « chez-soi ») sous un autre angle. En effet, en tant qu’étrangère, je me retrouvais presque quotidiennement confrontée à des difficultés aussi bien linguistiques que culturelles.
Cette formation à l’IEAC a fait écho à ce sentiment d’une quête vers une « Heimat » et cela m’a inspiré une variation de créations sur ce thème.
Un oiseau quitte son nid pour voler, un jeune quitte le nid pour devenir adulte, pour « voler de ses propres ailes ».
Je porterai toujours des traces de mon origine, je serai toujours consciente de mes racines, mais il me semble que pour se développer soi-même, quitter le nid et faire ses propres pas dans la vie est essentiel.
Notre « Heimat » peut être fragilisée, mise en danger. J’ai pris conscience de cette fragilité tout particulièrement à l’occasion d’une expérimentation sociale. J’avais un toit pour la nuit et je savais bien que ce n’était qu’une éxpérience sur un temps délimité, j’ai pourtant eu un moment donné le sentiment de perdre pied. Je ressentais de plein fouet la pauvreté, la dépendance aux autres et la détresse de cette situation.
La langue maternelle est également notre « Heimat ». Ne pas être en mesure de pouvoir comprendre ou de pouvoir s’exprimer dans un pays étranger, nous conduit à l’isolation et donc à la solitude, nous amenant à penser que l’on ne fait pas partie de cette société.
Sans pouvoir parler la langue du pays où j’habite, je ne peux pas développer mes racines ici, je ne peux pas prendre une part active à la vie ici.
J’ai le sentiment qu’il est essentiel de se rappeler que notre propre « Heimat » peut elle aussi un jour être mise en danger et que nous aussi nous pouvons être amenés à fuir en quête d’une autre « Heimat ». C’est ce sentiment qui peut nous aider à tendre la main.