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BOUTEILLES
Composée d’un module commun autour du travail de huit céramistes européens, l’exposition « Bouteilles » se déploie en cinq étapes entre 2021 et 2023. Chaque présentation se construit dans un dialogue ouvert entre les céramistes invités et les œuvres sélectionnées en écho dans la programmation de chaque centre céramique.
La maison de la céramique du pays de Dieulefit, l’institut européen des arts céramiques de Guebwiller, le centre céramique contemporaine La Borne, l'office culturel de Saint Quentin-la-Poterie, le centre céramique de Giroussens sont heureux de co-produire cette exposition itinérante qui ambitionne d’expérimenter une histoire contemporaine de la bouteille à travers des productions originales.
L'exposition s'est tenue du 19 novembre au 23 décembre 2022 au pôle culturel de la Neuenbourg à Guebwiller
l'exposition
Les céramistes présentés
Karin Bablok
Figurez-vous que ce sont les bouteilles fabriquées dans le Westerwald au XVIIe siècle et utilisées pour contenir l’eau minérale, qui ont motivé sa participation à l’exposition Bouteilles ! Ses collègues de l’époque posaient 170 bouteilles en grès par jour sur leur tour. Plus tard le plastique remplacera le grès et les bouteilles
seront jetées. Aujourd’hui, la céramiste pose elle aussi des bouteilles sur le tour. Karin Bablok se concentre sur des pièces uniques à la forme nette, en porcelaine, pour son extrême légèreté, et avec un décor qui souligne la merveilleuse fraîcheur de l’eau . Elle fait des bouteilles pour faire apprécier le luxe d’une eau propre et disponible en quantité suffissante.
Même si on veut simplement ajouter de la beauté au monde, on ne peut ignorer ce qui s’y passe … C’est pourquoi Karin Bablok souhaite reverser 20% du produit de la vente de mes bouteilles d’eau à l’association Viva con Agua.
Daphne Corregan
Cinq bouteilles/vases/tuyaux en ligne sur une étagère en fer, comme sur une corde raide : la céramiste les appelle Dancers, et les voit bien répondre au thème de l’exposition. Cependant, la bouteille est certes un contenant, mais ni un vase, ni un pichet ; Daphne Corregan enchaine avec une série de bouteilles/ entonnoirs se répondant par leurs formes et les intervalles, avec l’intention d’en faire déborder les dessins sur l’étagère murale.Elle tente encore d’approcher le thème par un autre biais qui lui est cher : elle colle deux bouteilles ensemble. Deux bouteilles deviennent des tours, des cheminées… Mais une fois peintes ? Des bouteilles orientales ? Une cathédrale ? Daphne Corregan les pose sur une nappe à carreaux, découpée en ombre.
Cette juxtaposition lui fait penser à Morandi que la céramiste regarde de plus près, quelle absorbe et à qui elle décide de rendre hommage. Ainsi elle ajoute sa nappe à carreaux, ce qui donne Piquenique avec Georgio.
Pascal Geoffroy
Pascal Geoffroy propose une approche de la céramique d’expression contemporaine par la cuisson dans un four à bois traditionnel anagama. C’est une céramique basée sur la force et la qualité des matériaux utilisés, expérimentant les terres, recherchant une gamme de matières et de coloris, inspirée par l’observation de la nature. Les formes qu’il crée sont apparemment simples car elles puisent dans le vocabulaire potier générique.Dans une démarche plutôt extrême-orientale, il préconise : « Je suis pour le lâcher-prise et le laisser-faire pour mettre en harmonie mouvement et matière, j’aime laisser la terre s’exprimer pour la magnifier de façon spontanée et naturelle. Sans pinceau, le four peint le feu sur les formes et j’espère le résultat à la hauteur de
l’énergie engagée ». Il faut savoir que « les bouteilles à la mer ne ramènent pas souvent les réponses ».
Ahryun Lee
Bouteille : objet de désir et de bonheur qui provoque en elle une profonde nostalgie de l’enfance. Son image de bouteille la plus marquante est le biberon qui la renvoie à mon approche des sens. Ses objets nommés Tasty Re-collection interrogent la façon dont nous nous rappelons les goûts et comment on peut transposer les sens dans un objet. En se concentrant sur la sensation tactile, Ahryun Lee a voulu créer des objets imaginatifs, sensuellement provocateurs. La tactilité visuelle est sa principale caractéristique de son travail. L’inspiration lui vient de la sensation abstraite des goûts tel aigre, pétillant, amer …Les couleurs et la texture font de cette sensation abstraite un langage visuel tangible et vibrant. Les objets se situent entre utilitaire et nonutilitaire, tout en gardant une forme de bouteille pour suggérer leur potentialité d’évoluer au-delà de leur fonctionnalité.
Hélène Morbu
S’intéressant d’abord à l’objet d’usage, Hélène MORBU développe une collection de petites séries qui s’inscrivent dans une démarche contemporaine basée sur des formes géométriques élémentaires.Elle explore ensuite de nouvelles voies avec des pièces uniques qui jonglent avec les contraintes techniques et les qualités plastiques de la terre qu’elle presse ou incise pour y dessiner une maille ou former une résille qui gonfle ou se resserre, suivant la forme.
Résultat : des contenants aux surfaces étonnantes et inédites qui s’apparentent au travail du cuir, du textile ou du rotin. Pour cette série de bouteilles, c’est la Dame-Jeanne qui l’inspire. Bouteille à transporter, elle est munie d’anses et enveloppée d’une clisse d’osier tressé qui la protège. Ce sont les différentes textures qu’elle peut créer dans le grès qui l’intéressent et qui cette fois la mènent à la vannerie.
Aline Morvan
Les affinités, par métonymie, disent la positivité du temps. Contre l’idée que le temps serait destructeur ou corrupteur d’une oeuvre achevée, destinée à être seulement conservée, les capillarités dionysiaques montrent le temps créateur. Il est producteur de formes et d’événements imprévus et imprévisibles.L’oeuvre se crée encore. Ces strates bordeaux, ivres, serpentines, virant au charbon ou peuplées de moisissure, messagères du temps, qui aurait pu en prédire la grâce et la vibrante fragilité ?
Admiration : affect produit en nous par le spectacle d’une si fine nouveauté, éclat de beauté. Les bouteilles, ne sont plus réceptacle ordinaire, contenant le délicieux liquide. Elles se font espace pour recueillir des surprises, et surface projetant les coups de génie de la capillarité artiste… Dionysos, tout à coup, a délaissé les libations pour s’adonner à la contemplation !
Zélie Rouby
Zélie Rouby navigue librement entre art céramique, design et références picturales. Ses recherches de ces dernières années révèlent un dialogue permanent entre référence au contenant, abstraction et figuration, associée à une évidente préoccupation de sobriété des formes et des couleurs. Le thème de la bouteille lui sied bien. Les bouteilles ont en effet depuis longtemps leur place dans son oeuvre. Elles étaient élancées, passant du gris au noir, lorsqu’elles s’intégraient dans des installations de type nature morte. Leur goulot glissant sur le côté comme une tête s’enfonce dans les épaules, elles se sont ensuite comme tassées, presque humaines, tout en gardant cependant leur élégance. Leur peau, au grain si particulier, arbore désormais des couleurs inhabituelles : vieux rose, jaune citron, vert sauge... Assemblées et regroupées, elles se muent en un peuple aux aguets.Marc Uzan
Marc Uzan est un chercheur. Passionné par les émaux, et aussi par les formes, il s’est laissé happer par le thème de cette exposition, la bouteille. Il s’en explique ainsi :« Décidément, l’enfance laisse des traces...» De ma collection de timbres des années 1960 me revient aujourd’hui le souvenir d’une série de tableaux dont celui de Paul Cézanne, « Les joueurs de cartes ».
Au centre y figure une bouteille, une simple bouteille, asymétrique, légèrement penchée. Cézanne reprendra cet objet dans plusieurs de ses oeuvres (Le Buveur, Le Fumeur...).
Sans aucune réflexion, mes premières esquisses ont repris cette forme de bouteille banale ; le modelage brut ainsi que la basse température se sont alors imposés.
Mon mode de travail me conduit à des explorations intuitives et aléatoires. En découle une production qui est souvent le fruit de rencontres formelles et chromatiques imprévues... ».
Quentin Baumlin
Quentin Baumlin qui travaille principalement l’objet céramique du quotidien, saisit là « une occasion particulière d’exprimer des formes tendues, élancées. L’émail lui permet de casser la rigueur des formes et d’apporter un contraste « aux lignes un peu trop strictes comme pour trouver l’équilibre tant recherché ».Toutes les pièces ont été réalisées au tournage. Le travail d’émail est une succession de pose d’engobes ou de jus d’oxydes sous des émaux de retrait.
Lauriane Firoben
Qu’une bouteille conserve eau, vin, cidre, bière, jus, élixir, potion… ou engobe sigillé, toujours elle embouteille un terroir, pétri du sol traversé, cultivé ou arpenté. Y décantent alors des histoires de strates et de minéraux, de terre et de végétation, d’humidité et de sécheresse, d’ombre et de lumière.Bouteilles du cru à célébrer, écho d’un terroir à honorer, à portée de mains et de pieds même en temps confinés, lorsque ces premières recherches sont nées. Lauriane Firoben a arpenté les bois autour du village, pour cueillir dans les talus et les fossés les argiles aux cent visages qui lui servent à concocter des engobes sigillés. Mais cette fois, la céramiste les ai aussi préparées pour façonner le corps de ses bouteilles, aux formes simples, hommage délibéré à la poterie traditionnelle, terreau fertile de son imaginaire céramique. Avant d’en engober l’épiderme, elle leur ai laissé du grain, pour batifoler hors des sentiers battus finement polis de la sigillée.
Corps et épiderme mariant les terres sauvages, confiées aux flammes nourries du bois de la vallée, pour laisser le feu redessiner ses propres paysages, d’ici et d’ailleurs, et conter ses propres histoires, de maintenant et d’un autre temps. Des bouteilles tout de terre et de feu. Bouteilles paysages d’émotions. Bouteilles du cru.
Guillaume Parison - Satoyama
Satoyama propose une production céramique utilitaire qui puise son inspiration dans les traditions potières japonaises et coréennes.Les pièces liées à l’horticulture japonaise (pots, vases et coupelles pour kusamono, shitakusa, kokedama, ikebana...) d’une part et les arts du thé (théières et infuseurs, bols, bouteilles à saké, boites à thé, brûle-parfum / chawan, yunomi, tokkuri, chaire, kyūsu, kōro et kōdō, mizusashi...) d’autre part sont conçues et réalisées dans un esprit purement artisanal, privilégiant qualité et singularité plutôt que quantité et standardisation.
Cette production est exclusivement tournée en grès et/ou porcelaine et cuite à hautes températures (1250°C et plus) dans des fours à gaz ou à bois (four type phoenix et four type anagama). Les émaux sont élaborés avec des matières premières non toxiques : porcelaine, silice et cendres de végétaux (bois divers, fougères, paille de blé, prêles). Toutes les pièces sont parfaitement alimentaires, étanches et non gélives.
Clément Petibon
Il était un temps où nous lancions des bouteilles à la mer. Des messagers qui pouvaient se perdre dans les tréfonds ou atteindre une nouvelle terre ... Clément Petibon veut réinterpréter la bouteille en plastique, objet du monde consumériste, omniprésent, polluant et meurtrier. « En détournant la bouteille en plastique avec le matériau terre, je veux proposer une vision militante de cet objet en faisant appel à l’image du coktail molotov artisanal. » Aujourd’hui les bouteilles n’ont de valeur que leur matière première. Elles polluent notre Terre et enrichissent les plus gros menteurs de notre monde, des cadavres à la mer ...Celle-là ne fera de mal à personne, mais restera bel et bien ancrée dans les bas-fonds de notre conscience, enfouie sous les appels incessants du consumérisme.