Pendant toutes ces semaines passées à l’IEAC, j’ai eu l’occasion d’approcher la terre sous des angles très différents et d’éprouver une palette de sensations et de sentiments très variés au fil des différents apprentissages, de la joie la plus intense à la frustration la plus totale, questionnement, introspection, lâcher-prise, satisfaction, désillusion, doutes, fierté, mais aussi de vivre une aventure humaine, amitié, prises de becs, pleurs, rires, compassion, entre-aide. Un vrai circuit de montagnes russes, mieux vaut être bien attachée…
Et puis, ce module « D’où je viens ». Inconsciemment je mets le doigt sur une thématique qui va devenir mon pro-jet de fin d’études, mais je n’en ai pas encore conscience.
Puis vint une période d’intense introspection pour découvrir mon sujet. De quoi vais-je bien pouvoir parler ? En observant mes créations réalisées à l’IEAC et antérieures, je finis par comprendre ce qui me tenait réellement à coeur, à savoir « la famille et les relations entre les individus qui la composent ». Cette prise de conscience a été exacerbée par mon éloignement temporaire en raison de mon année de formation, chaque retour au bercail étant une petite fête en soi. Pour autant, la famille est-elle synonyme de bonheur absolu ? Pour ma part, même si j’ai eu mon lot de tracas, je n’ai envie d’en retenir que le côté joyeux, festif, convivial, lumineux, généreux, chaleureux. Il s’agit probablement d’une facette de mon caractère désespérément positif. Et puis la chaleur du foyer ne ramène-t-elle pas au four du céramiste ?
Naissance du projet
Mon projet sera donc une représentation allégorique de la relation humaine mettant en évidence à la fois le caractère héréditaire de l’évolution d’une famille ou d’un groupe sociétal et l’apport d’individus issus de souches et de cultures diverses.
La spirale est omniprésente dans chaque entreprise tendant à s’éloigner du néant sous réserve de ne pas la prendre à contre-sens, elle sera ma marque de fabrique dans cette quête d’un équilibre harmonieux si souvent contrecarré par le tourbillon de la vie. Son dynamisme et sa force en perpétuelle croissance symbolisent l’envie d’avancer, d’acquérir des connaissances au fil du temps pour pouvoir mieux les partager avec ceux qui nous sont chers.
L’absence d’angle vif ramène à une forme de douceur, de générosité, de bienveillance à l’égard des autres éléments. Le crescendo des volumes illustre l’évolution de l’espèce, la transmission entre générations, la recherche du dépassement.
Développement & Réalisation
Dans un premier temps, j’ai expérimenté différentes variations avant d’arrêter mon choix de projet. Partant de l’idée de ma maison octogonale, j’ai d’abord imaginé des cercles concentriques symbolisant les générations successives, pour finalement adopter la figure de la spirale plus dynamique dans le mouvement.
Ce choix permettra également une interprétation moins strictement généalogique de mon sujet. Encore fallait-il choisir entre spirale hélicoïdale ou logarithmique. J’ai opté pour cette dernière plus en phase avec l’idée de croissance à chaque évolution. À force de jouer et rejouer avec la terre (chaines, puzzle, engrenages), la nécessité de prévoir une imbrication des différents éléments m’est apparue comme une évidence pour symboliser les liens.
Restait à choisir une représentation pour les individus. Mon choix se portera finalement sur des objets sphériques rappelant à la fois la division cellulaire, le cocon et l’univers. Ainsi mon installation sera composée de vingt six sphères de diamètres croissants imbriquées et disposées en spirale. Sur un plan pratique, les six premières sphères seront soudées entre elles formant une sorte de noyau. Les suivantes seront individuelles.
Assemblage du noyau central composé de six sphères tronquées de façon à pouvoir les souder solidement par l’intérieur conservant ainsi un aspect naturel à l’extérieur. Pour la réalisation des sphères suivantes, je dois pouvoir m’appuyer sur ce noyau pour créer les imbrications respectives. La complexité de ce processus réside dans le fait de devoir garder une certaine malléabilité des pièces déjà réalisées.
Séchage
les pièces sont emballées sous film plastique pour éviter un séchage trop brutal. Chaque matin, je les déballe pour les lisser, percer, numéroter. Puis je les retourne pour compléter le séchage en douceur.
Cuisson
à 980° (biscuit) puis 2ème cuisson après émaillage à 1280°
Mise en couleur
ayant choisi la terre rousse qui devient jaune en oxydation, j’ai cherché à rendre cette couleur naturelle plus chaleureuse.
C’est la première fois que je travaille sur un projet de céramique à partir d’un concept basé sur une introspection, une réflexion profonde sur la vie, ma vie… Je me suis rendue compte que je me cantonais auparavant à réinterpréter des objets qui me plaisaient en y ajoutant une touche personnelle. L’école m’aura permis de passer un cap par rapport à cela, d’emprunter de nouveaux passages, de découvrir de nouveaux chemins.