Institut Européen des Arts Céramiques

Association pour l’enseignement, la formation et la diffusion des arts céramiques en France et à l’étranger

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David Fuchslock

TRANSITION

« Métamorphose artistique et personnelle »

Cette année a été pour moi une découverte tant artistique que personnelle. Au fur et à mesure, je me transforme guidé par la matière. C'est ce chemin vers soi que je propose de vous présenter, car il s'agit bien d'une transition.

Au début de ce projet, j’ai choisi un thème « les hybrides, les chimères ».

J’avais envie de modeler des personnages comme des monstres, leur donner vie. Depuis mon enfance, l’univers du fantastique a toujours été pour moi un moyen d’échapper au monde réel qui me paraissait ennuyeux. Je me refugiais alors dans un monde peuplé de créatures fabuleuses inspirées de plusieurs mythologies.

Ce choix était pour moi une sécurité, je restais dans quelque chose que je connaissais, sur lequel j’avais un certain contrôle.

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LA GENÈSE

Débute enfin mon projet, je commence alors la sculpture d’un faune, personnage hybride mi-humain mi-bouc. Je veux directement me lancer dans une grande sculpture sans vraiment connaitre les difficultés que cela engendrerait d'un point de vue technique. Je n'ai jamais vraiment fait de corps, c'est un défi pour moi.
 
Créer les jambes de ce personnage était très complexe. Je me suis inspiré de Fanny Ferré en essayant de caler ma sculpture pour pouvoir la façonner sans qu'elle s'écroule sous son propre poids. Plusieurs fois elles ont cédé, j'ai dû recommencer encore et encore. Ces jambes étaient pour moi une des plus grandes difficultés dans cette sculpture, il ya un équilibre à trouver qui est nécessaire mais qui freine mon modelage.
 
Cette pièce commence à me prendre beaucoup de temps, je décide de la laisser de côté.
 
Je me lance sur un second projet de personnage hybride. L'idée d'allier l'homme et le serpent m'attire beaucoup, mais je ne sais pas encore pourquoi, ni ce que j'aimerais dire à travers cette sculpture. Je teste des positions en faisant des dessins et des maquettes.
 
J’imagine alors un personnage mi-humain, mi-serpent qui se débat avec lui-même, sa propre queue essayant de l’étouffer. Mais plutôt que de se laisser submerger, il riposte, voulant s’en sortir, tentant de se libérer, affrontant la part de lui-même, ce côté autodestructeur qui l’empêche d’avancer.

Je modèle ma sculpture avec le même procédé que le faune en me servant de photos de moi-même. Je cherche à avoir des proportions correctes afin de copier la réalité.
 

Retour sur le faune


Je reviens au faune et commence le modelage de la tête. J’ai rarement fait de visage auparavant, je me heurte alors à une difficulté. Ici aussi, il y a des codes, des canons à respecter.

Je modèle un visage et ça ne fonctionne pas, j'efface et recommence encore et encore. Au fur et à mesure que j'avance, l'expression devient un cri, une intensité en ressort pour moi. Petit à petit, une expression apparait. Une tension, une agressivité, une force.

Comme si mes mains façonnaient une émotion que cette créature n'arriverait pas à dissimuler.
 

Recherche de matières

Je fais différentes recherches d'émaux, je me concentre sur des teintes naturelles avec différents effets.
Je cherche à me créer une palette de couleurs mais aussi de textures en fonction des différentes terres afin d'avoir un choix assez large pour pouvoir émailler mes sculptures à venir.

Les émaux très texturés avec des décollements m'attirent beaucoup, ils me font penser à de la peau animale.

Durant l'année j'avais tenté de plonger de la mousse végétale dans de la porcelaine papier. Je trouve le résultat très intéressent et l'imagine bien comme pouvant imiter une sorte de pelage.
Je continue les tests avec différentes terres et en y ajoutant des oxydes colorants.
 

Les inutiles


Ce projet fut mené en parallèle de mes sculptures figuratives, mais le cheminement et les réflexions qui en ont découlé ont fini par influencer tout le reste. Sachant que vivre de la sculpture peut être compliqué, je décide d'abord de façonner une gamme de contenants pouvant s’accorder avec mon travail de sculpture.
Je continue à tourner plusieurs pièces. Le seau de barbotine à côté de moi me rappelle la sensation que j'avais durant mon stage. Je devais préparer une grande quantité de terre très molle, la sensation sur les doigts, l'effort pour attraper la terre. C’est comme jouer dans la boue, se salir, redécouvrir le contact avec la matière, une forme de liberté presque animale.
J'attrape alors cette barbotine par grandes poignées et commence à l'appliquer sur ce que je viens de tourner.
 
Une masse informe qui finit par déformer ce que je m'étais appliqué à réaliser. Je saisis ces pièces à pleines mains, les presse, les brise, les détruis pour les transformer.
À travers mes gestes, elles s’effondrent, se déforment et deviennent autre chose sous le poids et l'humidité de la terre. Je ne contrôle plus forcément ce qu'elles deviendront.
 
N'écoutant plus que mon instinct, j'applique mes différents émaux qui, une fois figés par les flammes, coloniseront mes pièces tels les coraux sur les objets perdus dans l'océan. Comme si la nature elle-même était intervenue dans le processus de création. Sauf qu'ici il ne s'agit pas d’une nature étrangère à l'homme, mais de sa nature profonde qui après avoir été tant contrôlée peut enfin s'exprimer et créer autrement.

Je réalise que mon désir de faire des contenants était une chose que je me forçais à réaliser pour avoir l'impression de bien faire. Au final, cela n'a pas fonctionné, ce qui était censé être utile devient inutile mais plus vrai, plus personnel. Le contenant se libère à travers la matière et devient sculpture.
 

La chrysalide

La chrysalide est une enveloppe dans laquelle on se réfugie, on se protège du monde extérieur.
Un monde qui peut nous sembler désagréable, agressif. Alors, on tisse une toile autour de soi pour construire une barrière.

Dans ce cocon, on se développe, on grandit, on se renforce, pour se métamorphoser et créer sa propre carapace. Une fois cette transformation achevée, il est temps de déchirer cette prison devenue trop petite pour soi, pour pouvoir enfin interagir pleinement avec le monde. C’est une renaissance.
Ne reste plus alors qu'un linceul, unique témoin de cette transition, symbole d'un passé et d'une vie.
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