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Histoire d'un jardin éphémère
En résidence à l’IEAC pendant deux mois, l’artiste québecoise Judith Dubord, céramiste et verrier, a réalisé son travail autour du processus de germination.
Ses recherches portent sur l'effet visuel et structurel de l'intégration de semences sur différents types de pâtes céramiques.
Le projet
"Mon projet de résidence à l'IEAC (Institut Européen des Arts Céramiques) se déclinait en deux volets. Le premier consistait à poursuivre mon travail d'intégration du vivant à l'argile.Parallèlement à ce projet, je voulais explorer les formes miniatures et les assemblages pour me créer un nouveau vocabulaire plastique dans l'argile.
Au cours de cette résidence, je devais poursuivre mon exploration de l'accidentel et de son esthétisme. Ces deux projets me permettraient d'enrichir ma démarche artistique.
Cette résidence a été pour moi l'occasion de découvrir la céramique française. Je la connaissais un peu à travers certaines revues spécialisées. Je l'ai plus abordée au fil des mes rencontres. L'esthétisme d'ici n'est pas celui de là-bas.
Et là, au cours de cette deuxième semaine, une rencontre avec Anne Bulliot.
Ne pas me confiner à une pensée esthétique, creuser plus profondément pour voir ce qui s'y cache.
… J'ai compris que je faisais souvent des choix plastiques que je n'arrivais pas à verbaliser.
Me pencher sur ce « problème » m'a permis de comprendre que mon travail est souvent intuitif, à la recherche d'une atmosphère, d'une sensibilité. J'ai alors pu inscrire quelque chose de nouveau dans ma démarche : « en quête de poésie, de ma poésie ».
Histoire d'un jardin éphémère
J'avais choisi de travailler avec le vivant, à la recherche d'effets aléatoires, visuels, laissés dans l'argile.Je voulais explorer le processus germinatoire des semences dans l'argile.
En entamant ce travail j'ai dû abandonner les attentes de résultats. J'ai rapidement compris qu'il y aurait un résultat mais que je ne pouvais aucunement en anticiper l'issue et certainement pas miser sur un esthétisme particulier.
J'ai découvert un émoi devant cette structure vulnérable, une envie, un besoin d'en prendre soin. Ces minuscules graines, délicates et fragiles prennent vie sous condition de soins particuliers.
Quotidiennement j'ai examiné les avancées laborieuses des végétaux. En perçant la terre, en allant jusqu'à la faire se fissurer, ils arrivaient à prendre leur place. Je ne pouvais que m'émerveiller devant cette puissance. Je ne pouvais que ressentir une forme d'attachement face à ce qui se passait dans l'argile.
L'archivage photographique se voulait, avec du recul, un récit de l'évolution organique qui a eu lieu. Les pièces cuites, revêtant alors un sens plutôt paléontologique, racontant que quelque chose d'important avait eu lieu. La vie était de passage ici.
Chercher la forme
Au début de la résidence, parallèlement au projet d'intégration du vivant, j'ai commencé à travailler sur diverses formes. L'objectif était de développer un lexique de formes pouvant être assemblées. Il y avait aussi une volonté de pouvoir intégrer le verre à tout cela, à mon retour.Rapidement, le thème de la germination s'est imposé dans mon travail, un peu à mon insu au départ. De mes observations sont nées toutes sortes de petites séries avec pour point de départ une réflexion sur l'enchevêtrement des racines et la germination.
Progression racinaire
J'ai tenté de reproduire les racines. Leur beauté plastique, leur côté graphique, leur enchevêtrement aussi. C'est un presse-ail qui m'a donné ce que je cherchais. De minuscules racines entremêlées et délicates. Mais un tas de racines seul était stérile. Je voulais aussi le mouvement, l'émergence, quelque chose qui s'élève. De là est né la mini-série "Progression racinaires".Jardin blanc
Le projet "Jardin blanc" découle lui aussi de mes observations quotidiennes de la progression des végétaux dans l'argile. J'ai choisi de reproduire « textuellement » une des pièces porcelaine/végétaux.C'est là que le lien évident entre les séries m'est apparu. Le thème central était, pour toutes, la germination, la métaphore du passage de la vie et de l'impermanence. Je comprends maintenant que tout ce que j'avais pu réaliser comme projet, en parallèle de mon travail avec les végétaux, n'avait été qu'un moyen pour moi de rendre hommage, à ma façon, à la vie sacrifiée.
Visites et rencontres
Anne Bulliot, formatrice à l'IEAC
Lors de ma résidence, les discussions avec Anne Bulliot m'ont permis d'inscrire quelque chose de nouveau dans ma démarche : « en quête de poésie, de ma poésie »
Philippe Godderidge
J'ai eu la chance de participer à son stage "l'une et l'autre main". Un grand pan de mur s'est alors ouvert sur un vaste possible.
Tout plein de préjugés et de restrictions sont tombés. J'ai découvert, ou redécouvert, que « j'ai le droit ». J'ai le droit de faire ce que je veux, ce qui me plaît, ce qui est intuitif pour moi.
Emmanuel Boos
J'ai eu le grand bonheur d'assister à la conférence qu'Emmanuel Boos a donnée à l'HEAR (Haute école des arts du Rhin de Strasbourg). Emmanuel Boos explore particulièrement les enduits céramiques, ce qu'il nomme émaux-matières. J'ai notamment apprécié sa réflexion sur l'accidentel et la démarche qui en découle.
Hélène Lathoumétie et Pascale Klingelschmitt
Grâce à Anne Bulliot, j'ai pu découvrir le travail de différents artistes Français. Les œuvres d'Hélène Lathoumétie et de Pascale Klingelschmitt m'ont particulièrement plu. Ces deux artistes ont comme médiums le verre et la céramique. Elles jouent sur les ambiances et la poésie. La délicatesse et la féminité sont très présentes dans le travail d'Hélène Lathoumétie. Pascale Klingelschmitt travaille avec les organismes vivants, exploitant des atmosphères étranges et métaphoriques sur les mutations et cycles de vie. Les démarches et les œuvres de ces deux artistes trouvent résonance dans ma propre pratique.
Le printemps des potiers à Bandol
J'ai pu voir Fanny Ferré, Loul Combre et le duo Claude Aïello et Florence Doléac à l'œuvre. Le travail sculptural de Fanny Ferré m'a touchée. En visitant son exposition je me suis plongée dans son univers où l'humanité et les gestes quotidiens sont mis en valeur.
Bilan et remerciements
Ma résidence à l'institut Européen des Arts Céramiques a été pour moi l'occasion d'approfondir ma démarche. J'ai fait plusieurs découvertes importantes sur ma façon d'aborder le travail d'atelier, sur le développement de mon langage visuel personnel et sur ce que je souhaite exprimer à travers mes œuvres.Il y a beaucoup de logistique associée au départ. Je tiens à remercier tous ceux et celles sans qui cette résidence à l'IEAC aurait été difficile à mener à terme.
Merci à la Maison des Métiers d'Art de Québec et à l'Institut Européen des Arts Céramiques pour cette fabuleuse opportunité qui m'a donné des ailes.
Merci à Karine St-Arnaud, chargée de projets à la Maison des Métiers d'Art de Québec : ton soutien et tes conseils dans la préparation de ma résidence m'ont été très précieux.
Merci à Christine Simon et Isabelle Rabet de l'Institut Européen des Arts Céramiques de Guebwiller qui m'ont accueillie à bras ouverts en Alsace. Merci pour tout le soutien technique et logistique qui m'a permis de me poser en douceur à Guebwiller.
Merci aux stagiaires de la cohorte 2017 de l'IEAC. Vous avez su m'accueillir avec chaleur et vous m'avez acceptée immédiatement dans votre groupe. Merci de m'avoir permis de me sentir un peu chez moi, chez vous !
Et finalement, merci à ma famille qui a accepté de vivre sans moi durant deux mois. Votre confiance en ma folie et en mes projets extravagants me touche profondément. Merci particulièrement à Alexandre, mon conjoint, avec qui rien n'est impossible !"